Ce que le FENAC aurait pu être. (15/11/2016)

Guy Marc Tony MEFE

Le thème central de la huitième édition du Festival national des arts et de la culture du Cameroun (FENAC) était pourtant dans l’air du temps : culture et émergence. Organisé au lendemain des 2ème assises des entreprises culturelles et industries créatives au Cameroun qui se sont tenues à Yaoundé du 27 au 30 avril 2016, nous avons rêvé d’une matérialisation des réflexions du grand Forum. Que non. Au Ministère des arts et de la culture, on en avait plutôt plein la tête, de la foire Yafé.

Il fallait avoir une paire de lunettes androïdes spéciales 3.33 pour voir le lien entre le thème du festival et l’événement que nous avons vécu du 7 au 13 novembre 2016. Entre les résultats escomptés du projet, tels qu’inscrit dans la belle Plaquette Programme du Festival, et la réalisation, l’écart est tellement grand qu’il faudra plus que de la « 33 » pour faire avaler aux experts du ministère des Finances que cet événement contribuera au développement économique du Cameroun.

La structuration du secteur artistique et culturel, la professionnalisation des acteurs de la filière, comme l’organisation et la règlementation des activités du secteur sont quasiment incontournables dans un processus dont l’ambition est de faire de l’art et de la culture des leviers de l’émergence économique du Cameroun à l’horizon 2035. Qu’est-ce qu’on nous a servi dans cet événement qui se réclame structurant ? Une leçon d’amateurisme et de gabegie dont le pupitre principal était sous les feux de la grande scène du festival: plus de 400 chanteurs, humoristes, danseurs, se bousculant sur une scène pour offrir chacun au public 4 minutes de prestation sous pression. C’est peu dire que de dire qu’on a marché sur la tête. Lorsqu’on a été au Marché des Arts du Spectacle africain d’Abidjan, Visa For Music à Rabat, FESPACO à Ouagadougou, Dak’art à Dakar, FITHEB à Cotonou, à la Biennale photographique de Bamako, bref à quelques-unes de ces manifestations impulsées par les autres Etats africains aussi PPTE que le nôtre, on a pitié des pauvres artistes camerounais et ivre de rage de savoir qu’on a sorti 400 millions des caisses de l’Etat pour ça… Et, pour une fois, on est d’accord avec Sultan Oshimihn : On ne peut pas toute faire porter au Prince.

Au pays des Ecrans noirs, du Festival Abokingoma, du Salon le Kolatier, du Festival SUD, du Douala Hip Hop Festival, du Fescarhy, de l’Annual Show, du FATEJ, etc., on n’a pas trouvé des professionnels de l’événementiel et de l’action culturelle pour conseiller… juste ça. Sur la terre de tous ces valeureux activistes culturels qui ont reçu des médailles, parce qu’ils essayent avec des bouts de ficelle de structurer, professionnaliser et faire rayonner l’art et la culture camerounaise ici et au-delà des frontières, on a privilégié l’approximation, foulé du pied tous les discours, travaux en ateliers, formations sur le continent et en Occident et forums de réflexion sur la structuration et la professionnalisation du secteur culturel camerounais.

Qu’est-ce qui restera de tout ça ? Le FENAC 2016 était indéniablement une belle fête. Beaucoup de sons et de couleurs, de la bouffe et, inévitablement, la « 33 » et tous ses cousins moussants. Artisans et petits commerçants ont eu l’occasion de faire de belles affaires et, gâteau sous la cérise, une centaine d’acteurs culturels ont eu la chance de recevoir des médailles de la République. Qu’est-ce qui produira les effets multiplicateurs du projet ? La vente des stands et la présence massive du public… certainement. Lorsqu’un Ministère en charge de la culture choisit d’intervenir sur le terrain, auprès des opérateurs culturels, débordant ses propres missions, il devrait servir de modèle en traçant, par l’exemple, la voie qui guidera l’action des acteurs culturels vers l’émergence économique avec les apports de l’art et de la culture, NOTRE COMBAT COMMUN.

Nous n’y arriverons jamais si la Foire «Yaoundé en Fête» (YAFE) est notre modèle de développement artistique et culturel.

Je passais.



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