Acteurs culturels au pays des «Chevaliers de l’ordre et de la valeur»… Salut les mendiants. (08/12/2016)
Par Guy Marc Tony MEFE.

En plein Festival national des arts et de la culture du Cameroun 2016 (FENAC), le cinéaste camerounais Arthur Si Bita a tiré sa révérence, une médaille de chevalier de l’ordre de la valeur sur la poitrine. Ultime récompense d’un combat qu’il menait sur un terrain pas vraiment artistique… celui des financements. Cette dope qui, au regard de certains, fait des acteurs culturels des mendiants.

Comme Francis Kingué qui s’en est allé peu avant lui, « Le Coopérant » n’était donc plus que l’ombre de lui-même, rongé par la misère, la maladie et la frustration. Le petit homme candide n’avait malheureusement pas la rage de Bassek Ba Kobhio ou des plus jeunes comme Cyrille Masso et autres Franck Olivier Ndema. Trop poli pour foncer tête basse dans le bureau d’un ministre, trop fatigué pour écumer les bureaux des sponsors et « suivre un dossier » au ministère, trop ancien pour comprendre comment ça marche aujourd’hui… Entre « Atalaku », tribalisme, trafic d’influence et pots-de-vin.

Trouver des financements pour faire un film, produire un disque, organiser un concert ou un festival, éditer un livre, se soigner voire manger pour certains, est devenu un sport de haut niveau dans le milieu artistique camerounais. Il faut avoir de la condition physique et un mental d’acier pour survivre. Car, par elle-même, la création artistique ne rapporte plus directement rien : la piraterie des œuvres de l’esprit, l’absence d’instruments administratifs et juridiques ainsi que d’une vision qui permettrait à l’activité artistique d’impacter positivement le travail et la vie des artistes et partant, l’économie nationale font défaut. A la place, le Ministère en charge de la culture propose à la meute des FOIRES, DES CONCERTS, des AIDES et maintenant des MEDAILLES. Cela s’appelle « dynamisme ministériel » sur le terrain des acteurs culturels. Pour ceux qui auraient oublié, le Cameroun c’est le Cameroun…

Les financements, on ne parle donc que de ça dans le milieu. On se déteste pour ça, se dénigre pour ça, se divise pour ça, s’humilie pour ça, trahit pour ça. Le sponsoring, la subvention et même le cachet sont définitivement devenus une laisse par laquelle on tient cette meute de mendiants qui arpentent les beaux bureaux des institutions publiques et des entreprises commerciales. Contraints de mendier un appui, certains ont appris à sourire à des idiots, à adapter leurs projets à des idées saugrenues complètement en contradictions avec leurs objectifs, à salir le travail des autres, à toujours pleurnicher pour faire davantage pitié, faisant prospérer le commerce de la misère, celui qui jette l’opprobre sur toute la profession. Ils en sont arrivés à tout attendre d’un MUR qui se nourrit de lamentations. A force d’être traités comme des mendiants, ils ont fini par en devenir, incapables de s’unir et se cotiser même pour accompagner un frère à sa dernière demeure. Le lavage de cerveau et la « 33 » ont fait le boulot, ils ne peuvent plus rien sans « l’aide » du Ministère…

Et pourtant, il suffirait qu’à la place des FOIRES et des CONCERTS, qu’ils répriment la piraterie et règlementent l’activité du secteur pour que l’arnaque et l’approximation disparaissent, que le bon grain soit plus visible que l’ivraie, que les emplois qui naissent du génie des artistes soient inscrits à l’actif du secteur culturel et qu’une partie des recettes générées par le secteur vienne gonfler les recettes fiscales du pays, POUR QUE LES MENDIANTS DEVIENNENT DES CONTRIBUABLES RESPECTABLES.

Malheureusement, le combat de la meute est ailleurs et conforte ceux d’en face qui, faute de connaître les enjeux et les problématiques du développement artistique et culturel en Afrique, pensent que l’art ne peut être perçu qu’à travers le prisme de l’action sociale et par conséquent, pour booster l’activité du secteur il faudrait plutôt gonfler l’enveloppe des programmes de lutte contre la pauvreté. Celui qui n’est pas content fait le mendiant ou se prend un visa. La misère d’un guerrier de l’ordre de la forêt, de l’eau ou de la montagne est moins pénible sur les terres de nos ancêtres gaulois.

Je passais seulement




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