Epilepsie ou « Maladie de tombe-tombe » (03/03/2016)

 

Owona venait juste de se marier au bout d’une galère sans fin dans le long tunnel des traditions sans concession. A respecter à tout prix, sous peine de voir son union maudite dès le départ et promise à une vanité certaine. La nuit de noces tant attendue, savourant déjà la consommation infinie du fruit de sa patience -parce que la mère de la fille avait dit et soutenu mordicus que jamais avant le mariage son futur gendre ne poserait le moindre doigt sur sa progéniture, Owona agitait les orteils, assis sur le lit nuptial pendant que sa dulcinée se préparait à l’offrande de ce qu’elle a de plus cher. Owona avait seulement commencé à humer l’odeur de la fleur quand le corps inassouvi de la femme fut pris de contractures violentes, devint rigide. La chère et non moins tendre épouse tremblait de tout son être avec les yeux révulsés. Quand le corps achevé de spasmes retomba sur la couche, les écluses lâchèrent pour vider tout ce que les besoins naturels avaient laissé.

 

Owona, qui s’était expulsé du lit par un bond de Ninja et avait observé de loin la suite du tressaillement, jurait par tous les dieux qu’il était tombé dans un très mauvais piège, qu’on lui avait bandé les yeux pour lui faire épouser une femme avec la « maladie de tombe-tombe », que son mariage était foutu avant même qu’il n’ait eu le temps de le goûter, que c’était un complot, qu’on avait ensorcelé sa femme alors qu’il avait payé une dot conséquente et respecté en tout l’asservissement des coutumes ancestrales, et que…

 

La jeune épouse de monsieur Owona a été victime de ce qu’on appelle communément une crise d’épilepsie grand mal ou crise convulsive généralisée. Les facteurs déclenchants sont variables et peuvent effectivement être émotionnels. Le caractère spectaculaire de la crise avec des accès convulsifs semblables à ceux connus chez les personnes envoûtées ou en transe, comme dans certains rites religieux, a sans doute contribué à la croyance selon laquelle les personnes atteintes sont victimes d’un mauvais sort, croyance encore en cours chez les populations non averties. D’un point de vue scientifique, il n’en est rien bien évidemment.

 

La crise convulsive généralisée doit faire conduire la victime à l’hôpital dans les plus brefs délais. Un électroencéphalogramme permettant d’enregistrer l’activité électrique de l’ensemble du cerveau, à l’aide de capteurs répartis sur le cuir chevelu, sera réalisé afin d’identifier avec plus ou moins de précision l’origine de la décharge électrique responsable de la convulsion généralisée. La crise convulsive peut être la manifestation d’une maladie du cerveau, quelle qu’elle soit, et doit donc faire rechercher par l’imagerie médicale (Scanner ou Résonance magnétique) une anomalie sous-jacente. Une crise grand mal peut s’accompagner d’une récupération complète de la vigilance et des fonctions verbale, sensitive et motrice ou, au contraire, d’un déficit persistant voire aggravé de ces fonctions.

 

L’épilepsie est une maladie fréquente et handicapante pour la vie de tous les jours et se définit par la récurrence des crises convulsives qui ne sont pas toujours généralisées. En effet, elles peuvent être partielles, quand une seule zone du cerveau est impliquée. La crise d’épilepsie peut aussi avoir des manifestations autres que la contracture musculaire, par exemple des perturbations d’autres sens (vue, ouïe, odorat) ou des troubles du comportement. Le terme de « maladie de tombe-tombe » vient sans doute des chutes récurrentes observées chez les personnes dont l’épilepsie se manifeste par une courte période d’absence avec perte du tonus musculaire général.

 

Le traitement est médicamenteux (antiépileptiques). Il a pour objectif de réduire autant que possible la survenue des crises. L’absence de réponse au traitement médicamenteux doit faire suspecter l’existence d’une maladie cérébrale responsable de l’épilepsie. La solution pourrait être dès lors chirurgicale, notamment lorsque l’imagerie cérébrale met en évidence l’anomalie. La chirurgie dans ces cas là offre d’excellents résultats.

 

Si jamais vous assistez à une crise d’épilepsie semblable à celle dont a été victime la femme « just married » de monsieur Owona, la première chose à faire, au lieu de fuir ou de se tenir à distance, est de coucher la personne sur le côté. Assurer la liberté des voies respiratoires supérieures (en déboutonnant la chemise après avoir enlevé la cravate pour un homme). Ensuite écartez de sa portée tout objet qui pourrait le blesser dans ses mouvements involontaires. Il est déconseillé d’essayer d’introduire un morceau de tissu ou de papier entre les dents de la victime pour lui éviter de se mordre la langue, ce sont vos doigts qui seront sévèrement mordus. A présent que vous savez qu’il ne s’agit pas d’un envoûtement ou d’un sort jeté, aidez-la à se faire soigner.

 

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 P. Jissendi




Chroniqueur : Patrice Jissendi