Heureusement qu’il existe encore des montreurs de singes, ces adeptes du voyage sur lesquels les années et le calcul n’ont pas de prise. Car ils n’ont pas changé. Maigres, efflanqués, débraillés, un éternel mégot achève de brûler entre leurs lèvres ; et leur sourire édenté, leur rire de trompette contrastent avec la pauvreté de leur mise.
Ils tiennent contre eux un petit singe, lequel malgré la bandoulière qui l’attache à son maître, ne finit pas de s’accrocher à son habit rapiécé, à moins qu’il ne se réfugie sous le creux de son bras replié et ne s’en serve alors comme une espèce de trône d’où il considère d’un œil apeuré l’attroupement d’enfants que son maître et lui ne manquent pas de susciter.
En effet, compagnons de leur mystérieuse fortune, les enfants les entourent, toujours, avec la même ferveur, émoustillés par le même prodige. Poussiéreux, les côtes saillantes et le ventre ballonné, ils semblent une cour des miracles entièrement dévolue à ce souverain fantasque que leur empressement inquiète plutôt qu’il ne réjouit ; ce primate devinerait-il confusément les sévices infernaux dont les hommes accompagnent généralement les rares témoignages d’affection qu’on leur aurait arrachés ?
Ludovic EMANE OBIANG. La leçon de choses. Poésies premières, maîtresses et supérieures.