Lutte contre le terrorisme : L’interventionnisme tchadien, un danger pour sa sécurité ? (04/01/2016)
Erick-Achille Nko’o
De plus en plus, le Tchad s’affirme sur l’échiquier international. Il est omniprésent sur tous les champs de bataille contre le terrorisme. Après le Mali, et en dépit des défis sécuritaires liés à sa stabilité intérieure, le Tchad s’engage sur un autre front. Dans les rangs de la coalition antiterroriste saoudienne, il entend combattre l’EI. Cela pourrait être une bonne chose, sachant que Daech, à qui Boko Haram a fait allégeance, est l’une des branches du terrorisme khawarijiste-takfiriste les plus redoutables. Il faut donc tout mettre en œuvre pour venir à bout de ce type de terrorisme tout à fait nouveau. Et la participation de l’ensemble des pays musulmans serait d’un apport stratégique. Toutefois, il est important de savoir choisir ses partenaires de lutte. Les positions assez controversées de l’Arabie saoudite pourraient laisser tout observateur averti de la géopolitique moyen-orientale perplexe. La situation sécuritaire observée dans le Moyen-Orient et en Afrique, avec une incidence dévastatrice sur l’économie africaine et plus particulièrement du Tchad, résulte en partie de la guerre que se font chiites et sunnites. En outre, l’Arabie saoudite contribue dans une certaine mesure à alimenter de manière intransigeante cette guerre. Il saute donc à l’ œil que la stratégie de l’Arabie saoudite au Moyen-Orient suit un impératif absolu auquel tout le reste est subordonné. Vu dans cette perspective, le Tchad devrait s’engager avec une large marge de réserve dans la coalition dirigée par l’Arabie saoudite qui n’inclut pas l’Iran dont l’absence dans cette coalition est incompréhensible. C’est vrai que la menace terroriste que nous vivons en Syrie, en Irak et en Libye est une menace globale qui nécessite par conséquent une riposte globale. Toutefois, il faut conjuguer méticuleusement avec ces partenaires qui jouent à un double jeu, au risque d’hypertrophier le terrorisme takfiriste khawarijiste et de s’embourber davantage dans un marasme sécuritaire plein de conséquences sur la vie sociale des pays de la sous-région.
En effet, le Tchad, tout comme le reste des pays en voie de développement, devrait prendre un certain nombre de mesures afin que ce type de terrorisme, qui a la particularité de se déporter, ne sévisse pas sur leurs sols. En s’engageant sur tous les fronts, on s’expose à des attaques terroristes.
Dans tous les cas, le Tchad, qui ambitionne de se positionner militairement dans la sous-région, ne devrait choisir que des champs de bataille stratégiques, et éviter de se lancer sur tous les fronts au même moment, au risque de se retrouver dans une crise économique, politique et sécuritaire sans nom. La coalition antiterroriste saoudienne vise avant tout à positionner l’Arabie saoudite sur l’échiquier régional et à subordonner les pays membres de cette coalition afin de mieux affaiblir l’Iran, le Liban et la Syrie qui constituent l’axe chiite.
L’Arabie saoudite semble s’éloigner de cette sagesse arabe qui dit : « N’interdis pas une chose pour autoriser son semblable ». Autrement dit, l’Arabie Saoudite, loin de la pyromanie, devrait lutter contre le terrorisme sans le soutenir comme elle le fait en Syrie et comme elle l’a fait en Libye, et plus tôt en Irak où elle a contribué à renverser le régime sunnite de Saddam Hussein dont la chute est l’une des causes de ce type de terrorisme takfiriste Khawarijiste.
Erick-Achille Nko’o
Chercheur Spécialiste du monde arabo-musulman.
Catégorie :
Politique