Il est temps que je parte de cette page blonde. Tout ici est du même blond aveuglant que je fuis depuis mon départ de là-bas. Là-bas, je ne sais même plus quand j’ai prononcé ce mot la dernière fois. Là-bas, c’est le premier mot qui démasquait mon amnésie, le premier rein qui en moi cessait de claironner. Depuis, la même rengaine me file envies de quitter ces criques où mon corps, frontières des regrets et des blessures, n’est plus que pauvre lampion. Ce lumignon pâle pour lequel et mes lèvres et mes cuisses saignaient à blanc mes efforts.
J’ai écrit sur tous les arpents des sentiers que l’essor viendrait à moi sans plus tarder. Ce faisant les nuits ont succédé aux diurnes deuils, on maudissait à la lueur de mes silences la laideur des douleurs cannibales. Et pour solde de malheur un poète sanguinolent me jurait fidélité par sa mort. Et qui suis-je, parti si tôt de cette page blanche, pour un soleil et mon rein atrophiés, quand ma descente aux lettres retient du chemin toute harmonie maligne ?… Sol, fa et dièses en manière de blasphème inconscient. La mesure du rut. La morsure du mot même. L’estuaire, la marge de la blondeur, la mort même du champ où l’asthme jadis prospérait de ma poitrine à ses lèvres. Cet été là, pour peu que j’avais énoncé l’intitulé du service d’encre…
Elle, morsure de pinces filiformes, suave dans mes étourdissements, douleur à ce point que ne crains plus de crier pour un rien. J’écoutais une épopée sur des seins flasques que j’honorais tels des pastèques, à peine avais-je réconcilié mon œil avec son nerf, éconduit les caresses félines où sombraient des continents, que les cheveux d’une teinte mensongère buvaient à mon cerveau. Pour tout miroir ce cerveau m’avait tenu l’œil gauche éloigné des tremblements de mes mains. J’ai su longtemps après que mes cris démolirent peu à peu mes saisons intimes. La première partait en escalier mobile rénover l’absence de mon frère, cruelle qui depuis devance mes idées à chaque conversation que je tente. Une autre, j’en prends conscience à peine, quelle ironie, destinée aux querelles canines au départ, ne cessait d’affouler des jeux sexuels aux quatre vents du papier. Souples. Défigurés. Tout ce que mes paumes ont tremblé pour ces contretemps.
Une saison pourtant, ignorant tout des décrets des lignes d’encre, des dentelles me tombaient sur la commissure droite des lèvres. L’espèce d’arsenal que je m’étais constitué à la première escale devint vite superflue. Je traînais avec moi des éléments nocifs pour le succès d’une nuit. C’était une seule nuit musicienne.
@ Ada Bessomo
Texte publié pour la première fois dans la Revue Ozila n° 2, février 2006.